Je commence à étudier l’arbre généalogique de ma belle-famille. C’est particulièrement intéressant car, contrairement à ma propre ascendance composée essentiellement de cultivateurs, cela me permet de voyager dans d’autres régions de France (Gironde, Bretagne, Seine-Maritime, Paris…), et de découvrir d’autres métiers et d’autres mœurs.
Aujourd’hui, je souhaite donc rendre hommage à l’un des arrière-arrière-grand-pères de mes enfants, Gérard Louis BETTUS, décédé accidentellement à l’âge de 41 ans.
Gérard Louis BETTUS naît le 30 avril 1886 dans la commune du Teich (Gironde), de Pierre Bettus, pâtissier, et Jeanne Lapeyre, modiste en chapeaux.
Sa famille est originaire, depuis le XVIIIe siècle au moins, du bassin d’Arcachon, plus précisément des communes de La-Teste-de-Buch et du Teich. Je ne résiste pas à vous montrer ces magnifiques détails des cartes de Cassini :
Gérard Louis BETTUS émigre à Paris pour suivre des études d’ingénieur. Le 23 mars 1926 il épouse Jeanne Joséphine Émilienne GRESSET (née le 17 septembre 1887 à Paris 3e). Ils résident à cette époque en plein Quartier Latin, au 16 rue des Écoles, Paris 5e (cet immeuble héberge actuellement la librairie des Éditions L’Harmattan). Le couple a déjà 2 filles : Marie-Jeanne, née en 1922, et Henriette, en 1925.
Les moteurs Bettus-Loire
Gérard Louis BETTUS a inventé un nouveau type de moteur marin fonctionnant à l’essence et au pétrole lampant (produit pétrolier destiné à l’usage domestique dans certains cas très particuliers : lampe d’éclairage, appareils ménagers, etc.., aussi appelé “kérosène”). Fabriqués dans les Ateliers & Chantiers de la Loire, ces moteurs portent le nom de “Bettus-Loire” et sont très populaires des années 1920 aux années 1940.
La Société des Ateliers et Chantiers de la Loire a été une des premières à étudier l’application du moteur à explosion à la navigation et elle a étendu sa fabrication aux moteurs de petites puissances pour toutes les applications maritimes.
Ces types de moteurs, marque “Bettus-Loire”, fonctionnent à l’essence aussi bien qu’au pétrole lampant, ce qui écarte tout danger d’incendie à bord.
J’ai déniché sur internet un album photo de l’intérieur de l’usine dans laquelle ils étaient construits :
L’album comprend aussi de belles images des différents modèles de moteur :
On trouve encore quelques exemplaires de ces moteurs sur les sites de vente d’occasion :
L’accident
Hélas, le bonheur conjugal et professionnel est de courte durée. À peine un an après son mariage, Gérard BETTUS décède accidentellement le 26 juillet 1927 à Nantes. Ses 2 filles n’ont alors que 2 et 5 ans.
On retrouve dans la presse nantaise et parisienne la mention du décès :
On nous prie d’annoncer le décès survenu accidentellement à Nantes, le 26 juillet 1927, de M. Gérard-Louis Bettus, ingénieur, constructeur des moteurs marins “Bettus Loire”, âgé de 41 ans, habitant Enghien-les-Bains, 63 bis, route de Saint-Leu. Les obsèques ont eu lieu à La Teste (Gironde) le 30 juillet. Le présent avis tient lieu de faire-part.
La mémoire familiale ayant oublié les circonstances du drame, une recherche dans Gallica m’a permis d’en savoir plus, par le biais d’un recueil de jurisprudence Dalloz de 1933 :
Cour de cassation
Chambre civile
12 décembre 1932
[…]
(Dame veuve Bettus Contre Société des chantiers de la Loire)
Pourvoi en cassation contre un arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 juin 1930.
[…]
Dans les bureaux de la société où il se trouvait pour les besoins de son service, cet ingénieur ayant, à la suite d’une glissade, fait un effort pour se retenir, a été pris de violentes douleurs abdominales qui ont nécessité le lendemain une intervention chirurgicale à laquelle il a succombé deux jours après.
[…]
En résumé et si je comprends bien : Cinq ans après les faits, Jeanne, sa veuve, tente toujours de percevoir, pour elle et ses enfants, une rente suite à cet accident. En 1930, cette pension lui a été refusée par la Cour d’Appel de Paris, sur le motif que le décès ne serait pas dû à un accident du travail. En 1932, elle se pourvoit en cassation. La Cour de Cassation, décide finalement de casser le jugement d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel d’Orléans.
J’ignore pour l’instant quelle a été l’issue finale de cette affaire, mais cela m’aura au moins permis d’en savoir plus sur les circonstances de sa mort…
Enghien-les-Bains
Sur l’avis de décès du “Journal de Paris”, il est indiqué que Gérard Louis BETTUS réside à Enghien-les-Bains, 63 bis route de Saint-Leu.
Enghien-les-Bains est une commune du département du Val-d’Oise. Elle se situe à 11 km au nord de Paris. Commune créée en 1850, unique station thermale d’Île-de-France, avec son lac et son casino, le premier de France en chiffre d’affaires et le seul à moins de cent kilomètres de la capitale, cette ville au caractère résidentiel et commercial affirmé occupe une place à part dans la banlieue nord de Paris (wikipedia).
Au début du XXe siècle, avec son lac, son hippodrome et son casino, la ville déborde de festivités.
Malheureusement, la Première Guerre Mondiale porte un coup d’arrêt à ces activités. Le casino ne rouvre ses portes qu’en 1931 (une loi de 1920 interdit les jeux dans un rayon de 100 km autour de Paris).
Voici une vue de la “route de Saint-Leu” en 1919 :
Cependant, la découverte la plus intéressante reste à venir : via Google, je découvre que le 63 (sans le “bis”) route de Saint-Leu désigne une construction réalisée par un architecte de renom, Paul Friesé, pour le compte d’un chimiste alsacien, Auguste Rosensthiel.
Cette villa est l’une des premières œuvres de l’architecte, plus connu pour ses bâtiments industriels et commerciaux, par exemple les Grands Moulins de Corbeil :
La villa, dite “villa Rosensthiel”, a été construite entre 1883 et 1887. Son adresse actuelle est le 171, avenue de la Division Leclerc. Elle est référencée dans l’Inventaire du Patrimoine Culturel Français (source).
Dernière info insolite : cette villa abrite maintenant l’Église Réformée d’Enghien…
Voici tout ce que j’ai pu retracer pour l’instant du parcours de cet homme, disparu trop tôt.
Que de découvertes en si peu de temps et pour un seul individu ! J’ai navigué du bassin d’Arcachon au Quartier Latin, des chantiers navals de Nantes aux beaux quartiers d’une station thermale pour finir avec l’Eglise Protestante…
Si cela continue à ce rythme, je sens que je vais adorer la généalogie de ma belle-famille :-). Sans compter les nombreuses pistes pour de futurs articles !
A reblogué ceci sur Cercle Genealogique de Maisons-Alfortet a ajouté:
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Belle recherche, c’est toujours passionnant de découvrir une nouvelle branche, de nouveaux lieux … j’espère que vos enfants vont être ravis de découvrir toutes ces informations
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Moi aussi ma branche paternelle est beaucoup plus intéressante que la branche maternelle :
Tous les ancêtres de ma mère étaient des travailleurs de la terre réunis dans un carré de 60km de côté sur 3 départements. Peu de surprises…
Du côté de mon père on a : des filles-mères, des légions d’honneur, des tonnes de migrations, des archives détruites, des charpentiers de Marine, des orfèvres, des papetiers, un militaire de carrière, un magistrat ,… Il sont originaires des quatre coins de la France et il y a même mon seul ancêtre né en dehors de nos frontières actuelles : il est né à Anvers sous Napoléon quand la Belgique était française 😀
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